Un nouvel avenant à la convention pharmaceutique remet en avant le pharmacien
correspondant et crée un nouvel acte rémunéré lié à l’intervention du pharmacien en cas d’adaptation d’une prescription.
La transformation du modèle économique de l’officine se poursuit, par étape ou ajustement technique. L’avenant n° 19 signé en novembre dernier, entre l’Assurance maladie et l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO), relance notamment le « pharmacien correspondant », statut déjà évoqué il y a dix ans dans la loi HPST, objet d’un décret en 2011, puis de deux articles dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) de 2019 et dans celle relative à l’organisation et à la transformation du système de santé promulguée cette année… Il est à nouveau évoqué dans l’avenant n° 19. Rappelons que le pharmacien « correspondant » (du patient et de son ou ses médecins) doit exercer dans le cadre d’un protocole de coopération interprofessionnelle. Son rôle est d’améliorer le suivi des traitements médicamenteux des patients souffrant de maladies chroniques et polymédiqués, et ce en coordination avec les équipes soignantes de ces derniers. La LFSS de 2019 a prévu que ce type d’intervention fasse l’objet d’expérimentations, prioritairement dans les zones sous-médicalisées et dans le cadre de coopérations formalisées avec des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), équipes de soins primaires (ESP) et communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Les rémunérations ne sont pas encore fixées, elles devraient faire l’objet d’un prochain arrêté ministériel.
Autre point important de l’avenant, l’évolution des modalités des bilans de médication. Lancés au début de l’année 2018, ces bilans occupent une place encore limitée dans les services rémunérés. Selon les estimations de l’Assurance maladie, seulement 10 % des pharmacies les ont, à ce jour, mis en place. Nicolas Revel, son directeur général, a récemment reconnu(1) que « c’est très en deçà de nos attentes et, à ce stade, décevant ». Les partenaires conventionnels tentent de les relancer en élargissant la population ciblée aux patients âgés d’au moins 65 ans (le seuil précédent était 75 ans). Une expérimentation pendant deux ans est, par ailleurs, prévue pour les patients résidant en Ehpad.
L’opinion pharmaceutique entre dans le champ des actes rémunérés
La véritable nouveauté de l’avenant est l’introduction d’un nouveau service entrant dans le champ conventionnel : la « dispensation adaptée », appelée aussi opinion ou intervention pharmaceutique. L’objectif de cette « intervention » est de limiter le mésusage des médicaments et/ou d’optimiser les traitements médicamenteux. Après analyse d’une prescription, le pharmacien peut être amené à proposer la suppression de traitements redondants, modifier une posologie, apporter une information supplémentaire au patient, voire suggérer une piste d’amélioration dans la prise en charge thérapeutique. Cet exercice peut donc aller au-delà du périmètre actuel de l’intervention pharmaceutique. Il est donc prévu qu’il fasse l’objet d’un protocole et d’une rémunération ad’hoc. Les négociations conventionnelles se poursuivent jusqu’à la fin de l’année pour préciser les classes thérapeutiques concernées, les modes de traçabilité des modifications apportées par le pharmacien et les modalités de leur rémunération.
Un droit exercé depuis plusieurs années par les pharmaciens québécois
L’opinion pharmaceutique est définie au Québec comme « un avis motivé d’un pharmacien dressé sous son autorité, portant sur l’histoire pharmacothérapeutique d’une personne assurée ou sur la valeur thérapeutique d’un traitement ou d’un ensemble de traitements prescrits par ordonnance. » Cette recommandation :
– vise à modifier, à interrompre ou à empêcher le traitement prescrit
– vise à modifier ou à interrompre la prise d’un produit pharmaceutique disponible pour auto traitement, normalisé ou non par les autorités fédérales, lorsque le pharmacien observe une contre-indication ou une interaction entre ce produit et un médicament prescrit de la Liste de médicaments
– suggère la surveillance de la pharmacothérapie de la personne assurée au moyen de tests de laboratoire, de paramètres physiologiques ou de signes cliniques et propose une mesure à prendre en cas d’anomalie
– vise à ajouter un médicament complémentaire assuré dans le cadre du régime général d’assurance médicament à un autre médicament pour en augmenter l’efficacité ou encore pour enrayer ou prévenir ses effets indésirables
– vise à modifier le dosage (teneur ou posologie) prescrit lors de la reconduction d’un traitement lorsqu’il est jugé inapproprié en raison de renseignements cliniques consignés au dossier-patient ou fournis par la personne assurée.
Une opinion pharmaceutique est rémunérée 20,42 dollars canadiens (13,95 euros). A titre de comparaison, lorsque le pharmacien refuse d’exécuter une prescription, il est rémunéré 9,24 dollars canadiens (6,31 euros).
Source : RAMQ (texte officiel de l’entente des pharmaciens)
(1) Propos tenu lors du 3e congrès Spot Pharma, organisé par la Société francophone des sciences pharmaceutiques officinales (SFSPO), début décembre 2019.
Écrit le 11 décembre 2019
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